Lors de la Rencontre du CSFEF qui s’est tenue à Hammamet en Tunisie du 13 au 15 octobre 2022, les personnes déléguées ont adopté à l’unanimité cette Déclaration en vue du Sommet de la Francophonie qui se tiendra les 19 et 20 novembre 2022 à Djerba en Tunisie
L’école vecteur de solidarité et de développement, si les pays s’en donnent les moyens
Le Sommet de la Francophonie 2022 a choisi pour thème : « La Connectivité dans la diversité et la solidarité dans l’espace francophone : Le numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone ».
Ce thème du prochain Sommet prend une couleur toute particulière en cette année 2022 où toutes les régions du monde sont toujours aux prises avec la pandémie causée par la COVID-19.
Le personnel de l’éducation que nous représentons ainsi que les élèves ont été sévèrement touchés par le COVID-19, les écoles de la grande majorité des pays francophones ayant dû fermer leurs portes pour éviter la propagation du virus. Les gouvernements ont préconisé de poursuivre un « enseignement à distance » mais force est de constater que les systèmes éducatifs étaient plus ou moins bien préparés à réagir. Cette fermeture a renforcé les inégalités entre les pays où l’accès à l’Internet et aux ordinateurs est généralisé et les autres. Elle a aussi renforcé les inégalités au sein des pays entre les élèves des milieux nantis et ceux des milieux défavorisés.
Les syndicats affiliés au CSFEF appellent les chefs d’État et de gouvernement à établir un véritable dialogue social avec les syndicats de l’éducation afin que des mesures soient prises pour répondre aux besoins des élèves qui ont accumulé des retards à cause de la pandémie dans un souci d’équité pour tous les élèves, notamment ceux qui n’ont pas eu accès à l’apprentissage à distance.
En ce sens, les gouvernements doivent s’assurer que des ressources, tant fiscales qu’humaines, sont disponibles afin de pouvoir relancer pleinement leurs systèmes éducatifs. Comme nous constatons qu’il y a pénurie de personnel dans les réseaux de l’éducation de nombreux pays, il sera nécessaire que les gouvernements prennent les moyens nécessaires afin de pourvoir les postes vacants pour les enseignantes et enseignants, tout en s’assurant de maintenir le niveau élevé des normes et des qualifications professionnelles. Les postes vacants du personnel de soutien à l’éducation devront également être pourvus.
Les gouvernements ne devront pas prendre prétexte de la réponse à une situation exceptionnelle pour développer une utilisation incontrôlée du numérique dans l’éducation. Cela s’applique tant dans la formation des élèves que dans celle des enseignants. Le présentiel, l’interactivité entre l’enseignant et sa classe, entre les élèves sont des éléments clés du fonctionnement de l’école. En effet l’enseignement à distance ne remplace pas l’école et il peut fragiliser les élèves ayant des besoins particuliers.
L’atteinte de ces objectifs est essentielle car plus de 50 millions d’enfants ont été privés d’éducation pendant la pandémie. En 2016, lors du Sommet d’Antananarivo, les chefs d’État et de gouvernement de la Francophonie reconnaissaient que des efforts importants devaient être faits pour améliorer l’accessibilité à une éducation de qualité pour tous, notamment aux jeunes filles. Ils soulignaient le fait « que le faible niveau d’éducation et l’échec scolaire sont sources d’inégalité et de pauvreté, et que l’augmentation du nombre d’enseignants qualifiés constitue un moyen de favoriser la réussite scolaire. »
L’atteinte de ces objectifs ne sera possible que si des efforts suffisants sont faits pour développer l’éducation publique, qui est la seule en mesure d’offrir une éducation de qualité à tous les enfants. En ce sens, nous demandons aux gouvernements de multiplier, avec la société civile, les actions en faveur de la scolarisation des filles.
Rappelons que la déclaration de Casablanca de décembre 2019 reconnait que l’éducation est un droit fondamental et un bien public. Cette déclaration a été adoptée, entre autres, par l’UNESCO, l’OIT et la CONFEMEN, lors d’un colloque africain sur la qualité de l’éducation de la petite enfance et la professionnalisation des enseignants et des éducateurs.
Ces rappels sont nécessaires devant la prolifération des écoles privées dans de nombreux pays, qui trop souvent ne respectent pas les programmes scolaires et embauchent du personnel enseignant non qualifié.
Dans la déclaration d’Antananarivo en 2016 et d’Erevan en 2018, les chefs d’État et de gouvernements demandaient à l’OIF et à la CONFEMEN, en collaboration avec la société civile, « de prendre des mesures pour promouvoir des dispositifs institutionnels efficaces de régulation des acteurs privés de l’éducation afin de garantir la qualité et l’équité des services éducatifs ». Les syndicats francophones de l’éducation demandent donc aux chefs d’État et de gouvernement de s’engager, comme l’a fait la Banque Mondiale, à geler tous les investissements directs et indirects dans l’enseignement privé à but lucratif, dans le préscolaire, le primaire et le secondaire.
De tels engagements sont importants, mais il est d’autant plus important de les respecter et de s’engager sur des mesures concrètes pour les mettre en application. Nous demandons à l’OIF et à la CONFEMEN de se doter de mécanismes de suivi afin de veiller au respect des objectifs fixés.