Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui pour l’ouverture de la 16ème Rencontre du CSFEF. J’adresse un salut tout particulier à toutes celles et tous ceux qui ont effectué un long voyage pour prendre part à cette Rencontre. Je pense aux collègues d’Haïti, du Canada, et bien sûr à tous les collègues africains.
Du Québec à l’Ile Maurice en passant par la Suisse, ce qui nous rassemble ici aujourd’hui c’est, bien entendu, une langue, et c’est aussi un très solide socle de valeurs. Parmi ces valeurs, la conviction profonde de l’égale dignité de chacun, quels que soient son origine, son sexe, son âge, ses orientations philosophiques ou religieuses, ses orientations sexuelles. J’y attache une grande importance, et je crois que nous tous, qui sommes à la fois éducateurs et syndicalistes, portons la lourde responsabilité de mettre en actes ces principes. Nous ne devons pas en rester aux paroles, nous devons analyser les mécanismes qui freinent l’implication des femmes et des jeunes, et prendre des mesures concrètes pour leur laisser de la place. Nous avons besoin de syndicats à l’image de la profession, d’ailleurs souvent très féminisée dans l’éducation ! Une enseignante, un jeune éducateur, doivent se dire, en voyant des responsables syndicaux : ils me ressemblent, j’ai envie de rejoindre ce syndicat !
Vous savez, je suis frappé, lors des réunions auxquelles je participe un peu partout dans le monde, de constater combien les organisations syndicales doivent de plus en plus se battre pour être tout simplement consultées sur les politiques éducatives.
Même ici, en France, la semaine dernière, les affiliés se sont indignés à juste titre en découvrant la suppression de centaines de postes d’enseignants et de personnels administratifs dans un article de journal !
Au Niger, c’est le ministre qui a décidé unilatéralement l’an dernier d’évaluer les enseignants contractuels et de licencier ceux qui avaient les plus mauvais résultats ! Au Tchad, depuis plus d’un an, les enseignants, aux côtés des fonctionnaires, sont en lutte pour conserver intacte leur rémunération. Au Bénin, c’est le droit de grève qui est attaqué. Je m’arrête là car la liste serait longue !
Chers collègues, l’Internationale de l’Education vous propose, tous ensemble, de dire STOP et de relever la tête ! C’est le sens du thème du prochain congrès mondial, qui se tiendra dans un peu moins d’un an, en juillet 2019, à Bangkok en Thaïlande : « les éducateurs et leurs syndicats prennent l’initiative ».
Ce congrès s’articulera autour de trois axes :
- Faire progresser la profession
- Assurer une éducation de qualité gratuite pour tous
- Promouvoir la démocratie, les droits de l’Homme et les droits syndicaux
Ce dernier point est d’une brûlante actualité. Je pense aux populismes qui un peu partout fleurissent, aux chefs d’Etats qui foulent au pied les valeurs fondamentales, attisent les peurs et promeuvent le rejet de l’Autre. La défense de la démocratie est un combat permanent, dans lequel les enseignants et leurs organisations syndicales ont une responsabilité particulière de vigilance et d’action. L’IE, avec ses affiliés, est entièrement mobilisée sur cette question.
Permettez-moi maintenant de m’attarder sur le second axe que je viens de mentionner, qui constitue un défi majeur : la pression croissante, au niveau international et dans de nombreux pays, de l’éducation privée. Les chefs d’Etat de la Francophonie partageaient, semble-t-il, cette préoccupation il y a deux ans, puisque l’article 39 de la Déclaration du sommet de Madagascar commençait par ces mots « Constatant le développement des établissements scolaires et éducatifs à but commercial (…)». Qu’ont-ils concrètement accompli depuis ? Ce serait intéressant de le savoir ! Car pendant ce temps, et vous l’avez peut-être lu dans la circulaire que nous avons envoyée le 5 septembre dernier, de nouveaux fonds d’investissements à but lucratif sont créés pour mettre en place des services éducatifs dans certains pays d’Afrique.
Je veux être très clair : pour l’Internationale de l’Education, l’argent public doit aller à l’école publique, les Etats doivent se donner les moyens d’offrir une éducation publique gratuite et de qualité à tous les enfants. Point. Tout autre aménagement, comme les Partenariats Publics Privé, ne peut conduire qu’à introduire des frais de scolarité qui vont à l’encontre de l’objectif de scolarisation universelle qui figure dans l’ODD4.
Nous avons déjà accompli ensemble, IE et CSFEF, un intéressant travail sur cette question centrale de la marchandisation de l’éducation. Je pense notamment au séminaire qui s’est tenu en Côte d’Ivoire au mois de Mai dernier, et auquel un certain nombre d’entre vous étaient présents, je crois. L’IE est favorable à la poursuite de ces efforts conjoints, et je suis certain que les échanges, dans la table-ronde qui est prévue sur ce thème, vont être tout à fait intéressants !
Un autre point me tient à cœur, dans le contexte d’immenses défis que j’ai mentionnés au début. Je veux parler de la solidarité. C’est bien à l’esprit de solidarité que vous faites appel pour demander à un enseignant de payer la cotisation de votre syndicat, n’est-ce pas ? « Ensemble, on est plus forts ! », voilà l’argument massue du syndicaliste ! C’est ce même esprit de solidarité qui, je crois, doit conduire vos organisations à faire tout leur possible pour voir ce qui rapproche plutôt que ce qui divise. Il n’est pas raisonnable que dans certains pays le nombre de syndicats atteigne 30, 50, et même plus de 180 ! Je profite donc de cette occasion pour appeler à toutes les initiatives unitaires, vitales pour faire réellement la différence, pour de meilleures conditions de travail pour les enseignants, pour une éducation de qualité, pour davantage de citoyenneté et de démocratie.
Chers collègues, je vous souhaite une très fructueuse Rencontre !